marques_partir_live

État des lieux d’un format qui était promis à un bel avenir.

Autrefois apanage des chaînes de télévision, le live vidéo s’est depuis démocratisé et étendu à de nouveaux utilisateurs avec l’essor des nouvelles technologies et l’explosion de la consommation vidéo mobile. Facebook Live et Periscope hier, Twitch, Caffeine, et Le Stream de Webedia aujourd’hui, le live vidéo est de toutes les prises de parole, comme récemment avec le mouvement des gilets jaunes. Outil de communication directe et d’expression sans filtre, ce format offre un potentiel d’interactivité et d’engagement sans commune mesure aux marques qui s’en emparent… Pourtant, peu semblent encore s’y risquer ou le maîtriser. Où en est la tendance de l’usage du live vidéo aujourd’hui, quelles opportunités et risques ce format confère-t-il ? Comment garantir le bon déroulé d’un live ? Nous avons interrogé quatre experts.

Un format qui ne demande qu’à (véritablement) décoller

Lorsque Facebook (FACEBOOK désormais) lance Facebook Live en août 2015, la plateforme le conçoit comme un outil exclusivement réservé aux personnalités, avant même de le proposer aux marques, puis de démocratiser son usage à tous ses membres. Quelques mois plus tôt (feu) Meerkat et Twitter, avec Periscope (racheté en janvier de la même année) s’étaient déjà lancés dans la partie. Les doutes ne sont plus permis, la vidéo est devenu un canal incontournable pour les marques.

Aujourd’hui, 80% des internautes disent préférer regarder un live plutôt que lire un article et surtout 82% préfèrent cela plutôt que de consulter les réseaux sociaux (source Forbes). En 2018, 34% des marqueteurs utilisaient Facebook Live et 81% d’entre eux trouvaient ce format efficace, rappelle Chris Schepard, président fondateur de l’agence We Are Updated. L’antenne semble donc ouverte ! Et pourtant, de l’avis de tous, près de trois ans après son heure de gloire au moment du lancement de Periscope et Facebook Live, le live vidéo n’a pas confirmé les attentes. Si Chris Schepard note une hausse de son usage, celui-ci reste tourné vers l’événementiel, pourvu qu’il soit spectaculaire. « Pour l’instant, les lives qui fonctionnent sont ceux que l’on n’a pas encore vus. Le fam caméra n’impressionne plus, dès que l’on sort du déjà vu, une marque a plus de chance de capter l’attention », appuie-t-il.

Le soufflé est-il retombé ? Pour Lionel Damm, directeur associé de l’agence OP1C, c’est le fort engouement du départ qui donne aujourd’hui l’impression d’une certaine désaffection. Dans les premiers temps, tout le monde s’est lancé dans le live pour doper l’engagement et sa visibilité explique-t-il. Aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, impression peut-être donnée qu’il y en a moins, mais ils sont surtout de meilleure qualité selon lui. L’utilisation du format se fait de manière plus intelligente car les marques veulent lui donner du sens. La tendance repart donc progressivement, notamment grâce à l’apparition de nouvelles plateformes comme Twitch et le stream de Webedia estime Chris Schepard. Le live vidéo n’a donc pas dit son dernier mot, c’est une tendance en plein essor où tout est à créer rappelle-t-il.

Toutefois, sans véritables « best case que tout le monde a envie de voir », peu de chance que les annonceurs s’y mettent poursuit Guillaume Lartigue, co-président et directeur de la création de l’agence Steve. Il fait d’ailleurs le parallèle avec la 3D : apparu dès les années 80, il aura fallu le blockbuster Avatar, de James Cameron en 2009 pour que toute l’industrie du cinéma s’y mette. Pour le live, le feu n’a pas encore pris, mais l’étincelle est là : « C’est un super format, très innovant, avec beaucoup d’engagement, de participation et de vues », assure-t-il. Pour preuve, l’un de leurs clients, La Halle, qui produit des live tous les trois mois depuis trois ans, « ne s’arrêterait pour rien au monde » tant les résultats sont là.

optimisation-SEO-podcasts

L’apparition de formats hybrides fait toutefois de la concurrence au live vidéo : « Le live est quasiment mort, étouffé par des ‘simili live’, retouchés et souvent éphémères comme les stories d’IG et Snapchat », relève Pierre Engelibert, Head of Social media chez BBDO Paris. Le dernier live de marque de l’agence remonte à Noël 2017, depuis il n’y a eu « aucune demande de live de la part d’une marque, si ce n’est la couverture d’un événement en stories IG », regrette-t-il. Quand Facebook a ouvert Live aux marques, ce sont les marques de mode qui s’en sont emparées se souvient-il encore.

Par la suite, toutes les agences s’y sont mises pour « créer de la surprise et de l’expérience », mais aussi parce que le format permettait des propositions créatives en social media. « Toutes les agences ont commencé à hacker le flux du live pour faire du ‘faux live’ ou du ‘live interactif’. Et là, c’était Byzance. Les possibilités créatives étaient énormes à des coûts parfois très abordables et le reach organique était surpuissant », mais sans doute biaisé concède-t-il puisque les spectateurs étaient souvent plus intéressés par la dotation en fin de live que par la marque elle-même.
Et c’est tout le problème, se lancer dans un live vidéo c’est bien, mais encore faut-il avoir quelque chose à dire et surtout maîtriser son direct avec un contenu long et sans filet.

La peur du direct

Interactivité, engagement, innovation, visibilité, proximité avec son audience, réutilisation du live en VOD, sur le papier le format a toutes les qualités. Dans la pratique, le live peut être comparé à un saut dans le vide qu’on tente en gardant à l’esprit que rien n’est garanti. Le live c’est « un événement précis, diffusé à un moment choisi », rappelle Chris Schepard. La problématique d’un tel format est qu’il ne trompe pas, on voit tout de suite le résultat. « Dans une économie de l’attention où les vidéos sont regardées une poignée de secondes en moyenne sur les réseaux sociaux, quand l’attention réelle des humains est désormais estimée à moins de dix secondes, le rythme est plus que clé, appuie Pierre Engelibert. Le problème c’est que notre attention ne tolère plus les temps morts, la cible part et ne reviendra pas. »

Le manque d’expérience peut refroidir les ardeurs des marques, déjà peu enclines à accepter de perdre le contrôle sur leurs prises de parole. « Il y a une peur du direct, mais on peut le maîtriser », assure néanmoins Daniel Dasse, head of digital de l’agence Steve. Et maîtriser son direct, c’est anticiper tous les risques inhérents à ce type de format : flop en direct, problème technique (le live ne se lance pas), mauvaise connexion internet, résultats en dessous des perspectives escomptées. Pour pallier cela, une seule solution : la préparation.

La préparation, c’est la clé

Un live vidéo doit être préparé comme on prépare une émission télé s’accordent à dire nos 4 experts. « Il doit y avoir un travail de teasing en amont pour espérer « animer » son live et ne pas seulement diffuser du contenu en direct », estime Lionel Damm. La fonction première sur Facebook ou YouTube permet d’annoncer en avance la date et l’horaire d’un live. “Les marques doivent se poser la question de l’intérêt de la réalisation d’un live et apporter quelque chose qui a du sens. Un live sans interaction avec les spectateurs et/ou sans notion d’événementialisation va s’essouffler de lui-même ».

« Au même titre que l’ensemble des contenus sociaux et digitaux n’ont pas vocation à être utilisés en display, mais plutôt comme des contenus dédiés à l’expérience et à l’interaction, il va falloir redonner du sens à ce format, confirme Pierre Engelibert. Pas un sens publicitaire, mais plutôt un sens éditorial avec un réel intérêt pour les consommateurs. Le live qui met en scène une marque et/ou un reward c’est terminé. Les gens y sont réfractaires. Il faut mettre en avant un concept éditorial et s’assurer de l’attribution de marque. La seule métrique qui vaille c’est la qualité du temps de visionnage. »

Éditorialisation du live

Comment éditorialiste-t-on un live ? À l’instar d’une émission télé, il faut rédiger un conducteur global, prévoir des questions et animations qui vont rythmer le live, tout anticiper, jusqu’aux possibles moments de blanc. La ligne éditoriale du live doit être « riche en contenus pour engager sa communauté, soutient Daniel Dasse. Ce n’est qu’à cette condition qu’un live devient pertinent : dans sa manière de placer sa communauté au centre du live. Pour cela, un community manager est indispensable. Il n’y a que les défilés de mode, par la notion d’exclusivité qu’ils offrent à un public lambda, qui peut se passer d’une telle interaction.

Chris Schepard parle même “d’hyper interactivité », que ce soit via des jeux-concours ou des partages avec l’internaute, notamment en répondant aux commentaires en direct. “Ça, ils adorent !”

Même extrêmement préparé, avec un programme et une vraie gestion du temps, un live doit aussi laisser place à l’improvisation, estime Chris Schepard. L’improvisation c’est ce qui fait la différence avec la VOD, le petit truc en plus qui va faire plus authentique et spontané. Ce qui est assez contradictoire, je vous l’accorde.”

Préparation technique et matériel

En revanche, s’il est bien une chose qui ne s’improvise pas, c’est toute la préparation technique. “La préparation en amont. C’est la loi de Murphy, explique le président de We Are Updated, tout ce qui peut se mal se passer, se passera mal. Il faut toujours prévoir un plan B, un plan C, et des back ups dans tous les sens pour le matériel ». Car si le matériel tient la route, la bonne tenue d’une diffusion en direct, en ligne qui plus est, est dépendante d’une très bonne connexion internet. “Surtout pas de lag ou de problème de connexion, souligne Daniel Dasse. Le live doit être le plus fluide possible et la bande passante suffisante pour permettre une réception la plus parfaite possible.”

À cela, Lionel Damm ajoute un autre paramètre : l’audio. “Il ne faut jamais lésiner sur l’audio : si le son est inaudible ou haché, le spectateur décroche, alors qu’avec une image moyenne, rien ne l’empêche de suivre, un peu comme à la radio, estime-t-il. Beaucoup de live sont faits en immersion avec des iPhone, il ne faut donc pas non plus lésiner sur les micros.”

Une fois la diffusion commencée, il est nécessaire de prévoir plusieurs comptes de réseaux sociaux pour tester le bon fonctionnement du live, conseille Chris Schepard, tout comme pendant le direct pour régler les dysfonctionnements et bugs éventuels. « Pour cela il faut toujours avoir un oeil sur la régie, et avoir un ordinateur ou un smartphone à proximité pour se mettre dans la peau d’un spectateur, avec ses outils. En régie, le flux envoyé est bien visible, mais il ne permet pas de se rendre compte s’il est diffusé correctement : il peut y avoir des bugs liés à la plateforme, comme cela a pu nous arriver avec Facebook Live. Il faut garder un oeil de spectateur et pas seulement d’opérateur », conclut-il.

Quoi qu’il en soit, “un live se prépare des mois à l’avance”, tient bon de rappeler Pierre Engelibert. Ce n’est ni plus ni moins qu’une régie à monter, avec des angles de caméras à prévoir, potentiellement des synthés de texte et un semi-différé pour couper en cas de couacs.” Et lorsque les planètes sont alignées, cela donne des lives qui restent dans les annales, comme ceux cités par nos quatre experts de la diffusion vidéo en direct.
Quelle est la durée idéal d’un live selon eux ? « 30 à 45 minutes. Comme un épisode de série ou une émission, estime Dan Dasse. C’est la même consommation donc la même attention. »

Pour Lionel Damm, « cela va dépendre du concept essentiellement et des informations intégrées au live« , mais il table sur moins d’une heure, « après ça devient vraiment TROP long » et à l’inverse, si le direct est trop court, « nous n’avons pas le temps d’atteindre suffisamment d’audience : moins de 15 minutes, c’est parfois beaucoup d’argent pour pas assez de retour, donc je dirais entre 20 minutes et 1 heure« , conclut-il.

Mais il faut TOUJOURS corréler la durée au concept, au moment de diffusion et à son lieu de diffusion aussi. C’est ca qui définit sa durée.

Des exemples références

Sans surprise, les lives qui ont marqué les esprits sont les plus spectaculaires. Ceux qui allient originalité, nouveauté et exclusivité, comme les défilés de haute couture, pour Pierre Engelibert. Chez Steve, tous s’accordent à évoquer l’Etam Live Show (version frenchy du ramdam annuel de Victoria Secrets). De son côté, Chris Schepard a été marqué par la collaboration entre Disney et Airbnb pour la sortie du film Le Livre de la Jungle. En 2016, à cette occasion, un live vidéo avait été tourné et diffusé depuis une maison nichée dans un arbre.

La même année, à New York, Starbucks avait organisé l’opération “National Voter Registration Day” (Journée nationale de l’enregistrement des électeurs) se souvient-il égarement. Lors d’un Facebook Live, Howard Schultz, principal actionnaire de Starbuck, et le chanteur Common encourageaient des milliers de téléspectateurs à s’enregistrer sur les listes électorales en vue de la prochaine présidentielle.
“C’était l’un des premiers live de marque qui valait le coup pour moi, il n’y a rien d’exceptionnel si ce n’est l’envie de créer du contenu événementiel en live.”

Et demain ?

Les marques vont-elles enfin finir par vraiment partir en live ? Les avis sont partagés, voire même plutôt tranchés du côté de BBDO Paris. Pierre Engelibert déclare ne pas croire pas au live de manière générale, « hormis la radio bien sûr et quelques cas bien précis ». Pour lui, tout va devenir une question de droits. Et “pour le reste, la story a déjà accaparé tout l’espace de l’expérience second screen avec des contenus moins longs, plus faciles à maîtriser et moins exigeants en production.”

Du côté de ceux qui misent sur ce format, Daniel Dasse y croit énormément, car cela génère beaucoup d’engagements, permet de recruter de nouveaux adeptes et de faire différemment tout en générant du contenu pour la suite grâce à la VOD. « D’autant qu’elles peuvent faire des petits live, avec 10-15k, et qui génèrent des résultats. »

Chris Schepard prédit quant à lui l’avènement d’un “live permanent”, avec des chaînes de live 24/24, à l’instar du Stream de Webedia. « C’est un peu la nouvelle télévision des jeunes qui ne regardent plus la télévision.” Comme nous l’expliquait Mélissa Simoni pour la plateforme Twitch dont elle est la nouvelle directrice des ventes pour la France, la Belgique et le Luxembourg.

“La nouvelle génération découvre ce nouveau format live, ce sont de nouvelles émotions pour eux, de nouveaux concepts, notamment sur tout ce qui est e-sport, car c’est ce vers quoi les jeunes se tournent pour regarder de la vidéo. D’autres plateformes vont se développer sur le live, il y a Twitch évidemment, mais j’ose espérer que YouTube va développer un peu plus sa partie Live, qui est un peu faible et peu utilisée aujourd’hui. L’audience est là, les marques qui avaient mis ce format de côté s’y remettent peu à peu. On entend d’ailleurs parler de plusieurs projets, notamment sur des chaînes Twitch de marques en 24/24 notamment. »

À l’inverse, Lionel Damm mise sur un raccourcissement des live. Ils ne vont pas pour autant disparaître, mais se professionnaliser et devenir un sujet fort pour les marques qui restent aujourd’hui frileuse à lâcher une partie de leur com.
En attendant la campagne qui les convaincra tous ?

Les Émotionneurs agence de communication spécialisée en production évènementielle vous propose les meilleures solutions pour tous vos besoins de captations.

#LiveStreaming #Production